tous les matins

Tous les matins, je prends mon petit-déjeuner en compagnie d’un philosophe. Je ne supporte personne d’autre, ni ma fille, ni mes amants, ni ma sœur, ni les poètes, ni les romanciers, ni les chroniqueurs.

Je sais pertinemment que cette petite demi-heure [qui oscille entre 15 et 60 minutes] ne me permettra jamais de rattraper toutes les années de lecture que j’ai manquées en sacrifiant mes études aux pérégrinations humaines et géographiques. Tout juste pourrai-je satisfaire un soupçon de curiosité intellectuelle.

J’ai appris à m’en contenter et, d’une certaine manière, à m’en réjouir : je garde ainsi la candeur heureuse des ignorants qui considèrent comme un privilège d’arriver à lire une page, un chapitre, un ouvrage. Je ne serai jamais une érudite blasée et correcte, je pétillerai toujours de l’ingénu enthousiasme des profanes.

D’autant plus que j’ai la fâcheuse habitude d’oublier ce que j’étudie. Je me l’approprie [j’en fais mon humus, mon terreau, mon magma] mais je suis incapable de le restituer. Est-ce là, la différence entre un artiste et un savant ?

Quoiqu’il existe sans doute beaucoup d’artistes savants et que je n’ai jamais revendiqué le statut d’artiste, tout au plus celui d’artisane, mon dernier "breakfast" philosophe ne fut pas le moindre [last but not least], il a été un des mentors de cette odyssée [Monsieur Virilio].

2001


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

soif

Nous marchions vers un but, mais nous n’avions pas le loisir de demander lequel ; nous savions seulement que, si nous le manquions, nous étions perdus.

Le désert était imposant et mélancolique ; il semblait vivre et palpiter, et fumer jusque dans ses entrailles. La transition avait été rapide et singulière ; ce n’était plus l’oasis de la veille, le repos au pied des palmiers, le sommeil rafraîchi par le bruit murmurant de la fontaine ; c’était le sable enflammé, c’étaient les secousses du rude dromadaire, la soif dévorante, inhumaine, insensée ; la soif qui fait bouillir le sang, fascine les yeux, et montre au malheureux qu’elle brûle des lacs, des îles, des arbres, des fontaines, de l’ombre et de l’eau.

Je ne sais s’il en était des autres comme de moi ; mais j’étais en proie à une véritable folie, à un rêve, à un délire sans fin, qui se ployait à tous les dévergondages de mon imagination.

Zone Climatique des Rois I — jour 30



Type de document : journaux de bord

Auteur fictif : Sgarideni

Auteur réel : Alexandre Dumas

Provenance du texte : Remix

Référence : Quinze jours au Sinaï. 1839

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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