résidente du livre

Résidente du Livre,
Tu n'as jamais appris à lire.

Chaque pavé devient graphe sous tes pas.
Chaque lumière devient rime.
Chaque frôlement,
Crissement de plume contre le papier.

Le relief, tu le trouves dans ces interstices entre l'encre et la feuille.

Seul le récit ouvre les routes où tu chemines,
Seul le récit coule et t'anime.
Il est ton souffle et ton vivant.

Et tu contemples tes formes incrédules :
Elles t'appartiendraient à toi, ces veines saillantes ?
Ces courbes ? Ces angles ?

Non. Elles appartiennent à la scansion
De la gestuelle sacrée
Du mot qui devient chair
Pour que le miracle de l’écriture advienne.

Tu me croyais numérisée ? Complexe de Loula, disais-tu…

Mais tu n'es toi-même qu'un spectre.
Le spectre d'une femme récitée qui a abandonné son corps aux confrontations du bitume.

L'espace le plus abstrait est-il le mien ou le tien, Capitaine ?

Moi perdue entre les 1 et les 0 ou toi perdue entre le clavier et le stylo-plume.

Oui, préserve bien tes carnets. S'ils venaient à brûler, qui sait si tu ne t'envolerais pas en fumée vers cet autre réel où plus jamais une main ne carresse, ne griffe, ni ne grave le papier.


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Loula-Ludivine

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

violon-piqueur

Grande scène noire dans la cour du Palais-Royal au-dessus des plots de Buren. Répétition [ cacophonie ? ] : violon électrique dominant. Mal, j’ai mal. Et les gens assis, émerveillés, enchantés; "voler quelques notes de musique". Tout est bon à prendre tant qu’c’est gratuit. MAIS ARRÊTEZ CE VIOLON-PIQUEUR [ famille marteau-piqueur ] !

Les flics passent en VTT, déjà hier aux Halles j’avais vu une patrouille à rollers … l’eau sous les grilles, odeur de vacances, chlore des piscines d’hôtel.

Maintenant une contrebasse. mais qu’il est mauvais, leur ingénieur du son ! Faites-le exécuter tout de suite ! Qu’on réhabilite la peine de mort illico. Je veux ses oreilles sur un plateau ! Et celles des musiciens et celles du compositeur et celles du producteur !

Soudain, oui ! Je comprends : c’est du jazz ! Alternative ? Free? Contemporain ? Expérimental ? Mon Dieu tout-puissant ! Epargnez-moi le jazz ! Je sais qu’au paradis on a mangé le fruit interdit mais, tout d’même ! Depuis l’temps ! Faut pardonner ! Même la rancune a des limites. Par pitié ! Eliminez le jazz de la surface sonore terrestre…

OH NON!C’EST PAS VRAI !ils s’mettent à chanter maintenant!!! Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?

C’est la fête de la musique ?
M’en direz tant…

… Ouf ! me suis échappée ! Avenue de l’Opéra, des sirènes, des klaxons, des gaz, des ZOTOS, pleins DOTOS mais pas de JAZZ.


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

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