une droite

Mon regard s'est arrêté sur ces deux grains de beauté que souvent je ne vois pas et qui parfois surgissent, explosent, ravagent.

Un souvenir.
Une blessure plus qu'un présage.

Ces deux grains de beauté par lesquels nous sommes jumeaux, ce trait d'union,
segment que toi tu portes au cou, moi à l'avant-bras,
dans un même alignement.

Alignement aussi droit que la trajectoire nécessaire au Pendule de Foucault pour établir sa preuve de la rotation de la Terre.

Je ne t'oublie pas.
Même si je ne te cherche plus.
Même si je me suis résolue.
Tu as disparu.

Tu étais là.
Tu n'y es plus.

Ou bien est-ce moi.
...

Nos mondes se sont disjoints
et nous ne pouvons plus tracer,
dans nos enlacements,
cette ligne qui poursuit la courbure de l'univers.

Incommensurabilité.

janvier 2009


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : CL

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

l'agneau, le loup et la chèvre

L'agneau, le loup et la chèvre

Toutes les chèvres, depuis des générations, récitaient en cœur, dans les basses-cours, le conte de Blanchette et de Monsieur Seguin.

Quand l'une d'entre elles s'égarait, elle savait très exactement ce qui l'attendait. L'herbe, la montagne, les chamois. Et le loup.

Soit elle revenait avant la nuit, forte de l'enseignement de son aïeule. Soit elle s'en remettait à quelque protecteur. Soit elle payait très cher son appel de liberté.

Parfois, naïve, l'une ou l'aure de ces fugueuses niait, oubliait ou refusait de croire que le loup était loup. Que le loup guettait, que le loup croquait. La malheureuse se jetait tout droit dans la gueule de son prédateur, pensant - de bonne foi - qu'ils seraient capables de trouver un terrain d'entente.

Il advint cependant que les loups peu à peu s'éteignirent, se regroupèrent et s'éloignèrent en des contrées si lointaines que les chèvres en vinrent à oublier que les loups existaient.

Circula alors dans le troupeau, la parole de certains pasteurs. On y parlait de temps nouveaux où le loup et l'agneau buvaient côte à côte dans les ruisseaux. Les loups étaient loin, les paroles si proches. Et tous les troupeaux se prirent à rêver. Certaines chèvres partirent même à la recherche du fameux ruisseau. Comme elles ne revinrent jamais, on cru qu'elles l'avaient trouvé. Et qu'elle paissaient, heureuses et libres, dans une terre promise.


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Griot Farceur

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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