sociologie de la presse

Avez-vous remarqué qu’il existe une sociologie de la presse des salles d’attente ?

- chez les notaires, des revues de yachting ou de golf : "faites-moi confiance, je suis riche".

- chez les psys, des catalogues d'enchères : " au bout de dix ans d'analyse trihebdomadaire à dépassement d'honoraires non remboursé, vous m'avez déjà aimablement offert un appartement. Avant votre nouvelle séance, je vous en prie, admirez les prochaines œuvres d'art que vous allez m'acheter ! Après tout, nous sommes entre gens cultivés".

- à côté de ça, La Revue des Montres de mon dentiste pourrait ressembler à une preuve d’humilité mais ne vous y trompez pas ! Elle révèle seulement sa jeunesse : la trentaine "Je débute ma carrière. Pour l'instant, je m'intéresse aux montres. Dans quelques milliers de couronnes et d'implants, on passera aux voitures de course" ;

Faut-il préciser que je déteste les dentistes ? Je suis complètement phobique / névrotique / résistik - depuis toujours - depuis la première fois - j’avais 6-7 ans - je ne comprends pas d’où nous vient ce courage d’ouvrir nos lèvres et de nous en remettre à un inconnu.


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

le XIU n'impose pas

Le XIU n'impose pas une dictature ni une théocratie ni un féodalisme. Il ne prône pas le mérite ni même le hasard. Il ne s'appuie pas sur la résignation et ne se justifie pas au nom de la raison. Il allègue simplement la défense des droits individuels et des intérêts privés. Et il les pousse jusqu'au bout. Pour le Bien Commun.

La liberté d'expression est totale : la censure n'existe pas. Officiellement.

Mais, comment s'exprimer quand toutes les idées et expressions sont soumises aux droits d'auteurs ? Quand, pour pouvoir aligner quelques métaphores courantes, il faut l'autorisation de l'organisme chargé de la défense du Patrimoine Sémantique? Quand toute publication doit s'acquitter de droits forfaitaires prohibitifs, accessibles à quelques grands consortium multinationaux toujours affiliés, par une ramification ou une autre, au XIU.

Quant à l'artisanat de l'information et de la culture - les indépendants et petites entreprises - ils sont eux aussi obligés de se regrouper dans des corporations pour arriver à payer les droits d'auteurs. Ces corporations n'ayant d'autre choix que de trouver des accords, elles aussi, avec le XIU. Avec tout ce que cela sous-entend d'allégeance et de compromission.

Aujourd'hui, ce mécanisme nous parait normal. Nous l'avons intégré. Nous sommes heureux d'avoir le droit d'utiliser le langage pour parler et penser sans devoir payer un impôt spécifique. Nous remercions les syndicats d'enseignants d'avoir su défendre - aux premières années du XIU - la gratuité des droits d'auteurs pour les écoles.

L'idée même d'une zone franche lexicale dans l'espace publique nous paraît utopique. Il nous est difficile d'imaginer ce temps où des ordinateurs ne parcouraient pas tous les discours et écrits, images et musiques, pour relever le nombre de séquences employées soumises au copyright.

Aujourd'hui, une étape supplémentaire doit être entreprise par les aspirants au voyage interspatial : l'affranchissement de la soumission au copyright.

Vous devez apprendre à utiliser les mots, les notes, les sons, les formes sans peur d'être dans l'illégalité et l'illégitimité. Vous devez retrouver votre liberté. C'est une question de pensée et de psyché. Un déconditionnement intense.

Ensuite viendra le voyage. Alors. Seulement.


Type de document : DJ's classes : le XIU

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : 1

.