trop de peine

Les grandes personnes aiment les chiffres.

Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: "Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il préfère ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?"

Elles vous demandent: "Quel âge a-t-il? Combien a-t-il de frères? Combien pèse-t-il ? Combien gagne son père ?"

Alors seulement elles croient le connaître.

Si vous dîtes aux grandes personnes : "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des géraniums aux fenêtres et des colombes sur le toit...", elles ne parviennent pas à s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: "J'ai vu une maison de cent mille francs". Alors elles s'écrient : "Comme c'est joli !"

Comprenez-moi bien : je ne dis pas qu'elles ont tort ou raison les grandes personnes.
Qu'est-ce que ça veut dire d'abord avoir tort ou raison ? Moi je sais pas.

Non. Si je vous raconte tout ça c'est parce qu'il faut bien dire pourquoi Loula elle arrivait pas à parler dans le monde des grandes personnes. Il faut bien le dire. Sinon on a trop de peine et on comprend pas comment c'était joli le silence de Loula. Comment c'était important.

remix St Exupéry


Type de document : chants des petits griots

Auteur fictif : Miss Tigri

Auteur réel : Antoine de Saint-Exupéry

Provenance du texte : Liste de l'éducation nationale

Référence : Le Petit Prince

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

dragon d’argent

Dragon d’argent sur flammes bleues ondulant au gré des muscles et des mouvements. Tatouage sur ton corps. Caché mais apparent.

Je voulais demander : "'dis-moi' d’où vient un tatouage sur ton corps ? ..." "Quelle intimité ici s’expose ?" "As-tu déjà parcouru les fulminances à bord de ce navire sans nom qui hante nos mémoires en carton froissé ?" "Où me feras-tu souffrir dans le sillon que tu traces ?" J’ai seulement articulé : "savais-tu que le dragon est un motif baroque ? Tu as la peau baroque ..."

Cette année-là ' l’année du dragon ' combien de fois nous sommes-nous rejoints ?

Je disais : "les courbes et les angles de ton corps maigre 'classique et indépendant ' corps d’homme" et je pensai : "pourtant on croit dessiner une femme quand on te caresse ! Pas pétrir peut-être contourner." Je craignais : "je commence à peine à m'approprier tes axes et reliefs et déjà tu dérives vers ces zones brumeuses où je ne suis pas".

Combien de fois es-tu parti ?

"Quand tu quittes mon champ ' dis ' existes-tu encore ? Ou bien disparais-tu dans un au-delà chimérique où tu te dissous" "vapeurs bleues qui enveloppent ce reptile nourri sous ton bras comme une mise en garde" "je ne suis que fluctuances" "je vous enroberai pour mieux me dérober" "je vous grifferai de mes pattes ' ' mon humanité" "je vous dévorerai d'un coup de gueule ' ' béance de mon absence"

Combien me suis-je résignée ?

Loin, alors mon très cher, oh ! vas t'en loin, vers quelque étier isolé qui succombe, dans son rêve d’impossible retour, aux innombrables îles-étoiles qui gemment son cours.

Pendant que je garde l’image de nos formes conquises et complètes 'ellipses ajourées ' ' pierre tendre et tiède ' pendant que je reste

(Loula dit :)


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Loula-Ludivine

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Référence : Guillevic - Etier et Edgard Poe cité par Bachelard dans L'eau et les rêves (p. 67)

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

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