tintinnabule

Loula : Capitaine.

Capitaine : comment m'as-tu trouvée ?

Loula : je ne t'ai pas trouvée, je suis là où j'étais.

Capitaine : à l'épicentre.

Loula : oui.

Capitaine : au point d'éruption, à l'impact.

Loula : tu l'avais enfoui si loin pourtant.

Capitaine : si bien.

Loula : il n'était plus qu'un mythe, une légende, une chimère.

Capitaine : n'est-ce pas.

Loula : il tintinnabulait entre les voyelles de ces vocables magiques...

Capitaine : Chiloe, Llovizna, Neruda, Santiago, Tveria, Ir Chalom, peut-être.

Loula : il n'existait plus.

Capitaine : était parmi mes disparus.

Loula : a ressuscité.

Capitaine : non.

Loula : non ?

Capitaine : il est image. Pixels sur un écran.

Loula : mot.

Capitaine : emails denses, innatendus.

Loula : et la joie ?

Capitaine : il n'y a pas de joie, il y a l'illusion.

Loula : la technologie.

Capitaine : une prothèse, un écart, une distance.

Loula : patience.

Capitaine : le plus terrible c'est que je ne le connais pas.

Loula : plus.

Capitaine : comme si je ne l'avais jamais connu.

Loula : il existe pourtant.

Capitaine : mais lui, celui qui existe là où je ne le rêve pas, qui est-il ?


Type de document : minutes des mémoires absolues

Auteur fictif : Les Greffiers

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

sortants

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il ne vivait pas

Il ne vivait pas sur une péniche, il ne vivait pas dans une maison, il ne vivait pas sous les ponts. Il parlait à peine. Il souriait avec les yeux.

Il avait pour passion de regarder les gens comme d’autres veulent allumer les étoiles.

Non, ce n’était pas un enfant perdu, ce n’était pas un ange ni une hallucination.

C’était un p’tit gars comme les autres.

Sauf qu’il ne dormait pas. Jamais.
Sauf qu’il ne mangeait pas. Pourquoi ?

Le voyait-on seulement ? Je ne sais pas.

En tout cas, une nuit de juin, un peu avant l’été, sur le quai de Conti, il s’était arrêté pour regarder une petite fille en pyjama qui ronflait là.

C’était très joli.

Lui qui ne dormait jamais était en train de contempler son premier rêve.


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Griotte

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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