forêt australe

Ce jour-là, je voulais juste me promener mais on ne pénètre pas dans la forêt australe comme on le ferait dans nos bois paysagés.

On s'arrête.

On pense aux reptiles, aux arachnides, aux insectes et à leurs morsures létales.

Comment ne pas s'arrêter ? Je voulais m'assurer d'être accueillie et préservée.

Et la forêt m'a parlé. Elle m'a répondue. Elle m'a apaisée. Elle m'a guidée.

Je me sentais si démunie : je n'avais pas emporté mon armure d'encre et de papier, cet intermédiaire qui filtre mon vécu. Je ne pouvais pas figer l'expérience, l'arrêter, la vider de sa puissance, pour l'épingler, comme un papillon, dans le cadre de mes écrits. Je devais entendre dans ma peau, dans mes os, l'invitation de la Terre.

J'avais vingt ans.

Certains passent leur vingt ans dans la trépidation des boîtes à rythmes, d'autres cueillent des champignons bleus ou construisent quelques fondations bien solides, moi je suis simplement entrée dans cette forêt.

Je n'ai pas tout su du voyage. Pas immédiatement. Mais j'ai entrevu un possible.

Je dois te le dire : tu viens de là. De cette conversation originelle. De cette orée-là.

à sa fille


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : CL

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

et alors

Voix I : Perceneige revient.

Voix II : Elle a retrouvé le chemin.

Voix I : Elle n'est pas seule. Avec elle, une petite fille.

Voix II : Perceneige revient et elle se souvient.

Voix I : Elle se souvient de sa mère.

Voix II : De leur vie dans cette maison.

Voix I : De la façon dont se vivait le temps.

Voix II : Elle se fige. Elle est transie.

Voix I : Et l'enfant ?

Voix II : L'enfant n'a pas de souvenirs, que de la curiosité.

Voix I : Elle lâche la main de Perceneige et s’élance.

Voix II : s'éparpille.

Voix I : Elle va là où Perceneige ne peut plus aller.

Voix II : ... ne sait plus...

Voix I : Que voit-elle, dis-moi ? Que voit-elle là où Perceneige ne sait plus aller...

Voix II : Elle voit ce que peu savent voir. Elle touche ce que peu savent toucher.

Voix I : Le numéro 7 ?

Voix II : Quelle évidence.

Voix I : Et après ?

Voix II : Après ?

Voix I : Oui : et après ?

Voix II : Non, pas « après » : « alors », « et alors ». Alors, elle se souvient.

Voix I : Elle n'a pas ouvert le carnet tout de suite.

Voix II : Elle a attendu.


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Voix I & Voix II

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : CL

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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