Rue Saint Louis en l'Ile.
Trottoir sud.
Une araignée gambade. Une notable, on ne peut pas s'y tromper. Ni princière ni royale. Bourgeoise. Un peu grasse sur ses pattes - huit. On pourrait croire qu'elle a un plastron et des bretelles. Elle est chez elle et franchement, elle prend autant de place que n'importe quel passant.
Je lui parle : "Bonjour, madame l'araignée."
Les gens se retournent.
Une frisée qui parle avec une araignée près de l'Ile de la Cité. Quelle insanité !
Je relate la scène à un ami voyageur, nom de code : Dottore Pi, en ajoutant : "je l'ai appelée madame, pourtant de toute évidence, c'était un monsieur."
"Certainement pas!" m'a-t-il corrigé. "Telle que vous me l'avez décrite, il s'agit d'une Epeire diadème. Et de cette taille-là, c'est nécessairement une femelle. Les mâles sont vingt fois plus petits. D'ailleurs ils ne finissent pas bien les pauvres."
"Ecrasés ?"
"Non. mangés".
Madame l'épeire diadème venait sans doute de terminer son dîner…
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Petit jeu :
J'imagine …
Des chercheurs d'un autre monde, observent Paris, l'étudient. Période : 2001-2002-2003-2004-2005. Et ils tirent les conclusions suivantes:
"Les Parisiens vouent un culte public et absolu à une déesse chimérique,
mi-léopard — mi-papillon — hermaphrodite — menthe religieuse — guenon au pagne d'or — Sainte Vierge en Assomption.
Suivant les saisons, elle invoque des rites commerciaux différents et convoque ses ouailles dans un temple en forme de galeries.
Son culte implique qu'on la consomme sous forme de petits œufs noirs de poissons, double héritage chrétien [symbole archaïque du christ, d'une part, et hostie, de l'autre].
En convolant dans l'allégresse avec un géronte, cette déité promet une vigueur sexuelle absolue à tous les hommes. Mais, paradoxalement, elle menace ceux qu'elle aguiche de deux longs pics pointus qui couvrent ses seins, révélant ainsi le tabou absolu du corps féminin qui est dénudé pour mieux être prohibé.
Ce culte semble emporter l'assentiment général car l'espace public dans son entier est voué - sans protestation ni soulèvement - à l'adoration de cette figure païenne ."
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun