vous me proposez

Vous me proposez de ralentir le temps, de vous rejoindre à Kiméria, dans votre domaine de Toscane, et d’y vivre une vie entière à vos côtés, en un seul voyage, dans le simple cillement d’un intervalle de réalité.

Mais, cher Dottore, mon ami, que nous resterait-il à vivre ensuite, dans nos prochains séjours ? Faudrait-il atteindre la fin? De nous, de vous, de moi.

Je le sais, les journées s’égrèneraient alors comme les vagues de la Méditerranée, éternellement semblables et différentes, douces et épicées. Goût salé du plaisir tranquille.

Dites-moi où je trouverais - après - la force de revenir au Monde, à mon siècle, à ma vie, à ma fille, à ce combat que je mène pour défendre la liberté d’exister en toute conscience dans les 3 Espaces.

Ne finirais-je pas par céder à la tentation kimérienne et à migrer ? Devenant moi-même un rêve, un récit, brisant le temps cyclique (un jour, un autre, le même) que je crée lors de mes voyages, m’aliénant aux rythmes de cet ailleurs onirique - si volatiles, si curieux, véritables sirènes - et provoquant une longue absence, aussi longue que la vie elle-même. Ce serait une désertion.

Votre temps naturel s’articule en réseau. Vous utilisez des points de jonction pour vous déplacer entre les époques et les espaces. Vous n’êtes pas soumis aux mêmes risques que moi. Vous m’apprendrez, dites-vous. Mais je n’ai jamais entendu, dans aucune rumeur, que quiconque l’eût appris. Le temps réticulaire est une aptitude, pas une initiation.

Au Dottore Pi


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : 1

Le Marché

Le Marché est un lieu décrit dans la version la plus répandue du Récit Cimmérien qui relate comment la Première Gardienne a reçu l’Art du Tissage et de la Lecture des Nœuds de Tapis.

Le Marché n’est pas accessible par les voies terrestres de Kiméria mais par ses voies fluviales. On dit que la fameuse corporation des Nautes (corporation qui a contribué à la fondation de l’Ordre des Joueurs) a développé sa maîtrise des fleuves d’Erel en arpentant les fleuves de Kiméria à la recherche du Marché.

Aucun vortex ne mène au Marché. Mais il existe des vortex qui mènent aux nefs qui desservent le Marché.

Il n’y a pas de végétation au Marché : pas d’arbre, pas de terre, pas d’herbe. Seulement des mosaïques circulaires, des toiles, des tentes, des fils, des soies etc.

Celui qui se rend au Marché ne doit rien chercher mais laisser venir à lui. Un seul marchand et une seule tente l’attendent, généralement pour une transaction qui lui coûte des années de sa vie ou de sa conscience. Car, au Marché, la monnaie d’échange, c’est soi-même. Ni son corps ni sa force de travail physique : sa pensée, son esprit, son imaginaire, son évolution.

Tous les grands Voyageurs sont passés par le Marché pour y parfaire leur initiation. Le Capitaine L., Loula Il Dottore, Sgarideni, Joseph Valet, Arte Miss, Mathurin Gaulthier etc. ont tous vécu au Marché.

On dit d’ailleurs que chaque acheteur du marché doit un jour devenir marchand à son tour.