à l'instant même

Le 15 juillet 1976

Le lendemain du 14 juillet, jour de la fête nationale française, célébration de la prise de la Bastille, anniversaire de sa maman et aussi du mariage de ses parents :

Ludivine Coquine est sortie des Halles par la rue Montorgueil :

* elle ne voulait plus attraper le chien errant,
* elle n’avait plus assez de force pour rire,
* elle était beaucoup tombée, avait beaucoup rampé, son pyjama était tout déchiré, ses genoux étaient noirs et écorchés.

P’tit Gars l’a suivie mais quand elle a dit ‘j’ai envie de manger des fraises’, il a répondu ‘pas moi’ et il est parti.

Tout de suite :
* elle n’a pas eu de peine,
* elle n’a pas pensé "il aurait pu me dire au revoir",
* elle n’a pas réalisé qu’elle ne savait pas où le retrouver.

Mais c’était parce qu’elle regardait :

* les barquettes de fraises rouges et les brioches aux raisins,
* les fromages, surtout ceux à la chèvre, les frais ,
* les pains blancs et les pains de seigle.

Comme elle avait de plus en plus faim, elle s’est approché d’un stand, celui des fraises, et elle a voulu en prendre une. Le marchand s’est énervé très fort et elle a vu :

Tout de suite :

* qu’elle avait les mains sales
* qu’elle était pieds nus
* qu’elle portait seulement un pyjama déchiré.

Et elle a compris :

Tout de suite :

* qu’elle n’avait pas d’argent et qu’il fallait payer.

Et elle s’est souvenue :

Tout de suite :

* de son papa/maman
* de fanfan
* de tortue.

Mais, par contre :

A l’instant même :
Elle a oublié que P’tit Gars n’était pas là. Parce que :

* elle n’avait pas vraiment fait attention,
* elle n’imaginait pas qu’il la laisserait en plan.

Alors, elle s’est retournée :

* pour le chercher
* pour voir s’il était dans un état aussi affreux que le sien
* pour se moquer.

Elle a virevolté sur un pied comme elle aimait faire, elle a tout vu tourner- tournicoter-tournicoton-bal-et-cotillons.

Mais P’tit Gars n’était plus là ! Et ce fut à ce moment précis-là :

Qu’elle a commencé à avoir très peur et à pleurer.

Pas avant. Pas après.

A ce moment précis-là :
Voilà.


Type de document : chants des petits griots

Auteur fictif : Anonyme

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

l'ange de Toul

J'ai rencontré l'Ange de la rue de Toul. Tout mon chemin, mes courses, mes arrêts avaient été orchestrés pour que je le rencontre.

Il m'attendait à l'angle du passage Chaussier.

- Vous avez l'heure?

Je m'arrête, méfiante. Après l'heure, les euros. Je me raisonne et me dis que je ne sais pas. Qu'il vaut mieux ne rien présumer ni anticiper. Les vagabonds sont parfois ou souvent des voyageurs. Je sors mon téléphone portable du sac.

- 11h50.
- Et un mot d'encouragement ?

Là, mes doutes se dissipent. C'est bien un ange. Un envoyé de Kiméria.
"Vous n'êtes pas seul".

Ces yeux bruns sont sans fond. Il est bon. Je reçois tout l'amour des 3 Espaces et d'au-delà par son regard. Profondeur illimitée. Essence du relief.

Anti-platitude? Anti mensonge attitude.
Il me remercie. Je le remercie.
Et je comprends.

Il m'a donné le temps, le courage, le soutien et la protection.

Et il a eu l'absolue élégance de prétendre qu'il me les devait.

Merci, mon Ange.


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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