Dans un faisceau de lumière, mon chat blanc. Gracieux. Fier et digne. Hautain. Beau si beau. C'est la nuit.
Premier réflexe : abréger l'instant. Rendre plus court encore cette impermanence qui doit cesser.
Et puis non ! Si j'étais au cinéma ou devant un écran, je me serais délectée de ce plan très long. Mais là, chez moi, je voudrais zapper ! Comme si la beauté avait maintenant besoin du filtre de la caméra. De cette captation qui en assure la permanence. L'éternité.
Ne puis-je déjà plus jouir du réel ?
Suis-je contaminée par l'image ?
Mon intérêt n'est-il plus suscité que par la retransmission ?
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Je déambule dans une ville de papier, sans façade ni profondeur. Mes lignes sont plates à embranchements multiples et elles se rejoignent toujours là où je suis. Je suis ici maintenant. Prioritairement maintenant. Tout est transparent et je n’ai plus besoin d’espionner pour voir et pour entendre.
Je suis ton chantre. J’ai abandonné l’espace pour m’adonner au temps. Délabrée, déguenillée, dérivée, j’ai choisi de dire les contes urbains en cette année première. Paris.
Et si je te confie l’acte d’écrire, ne me traite pas de couarde ni de fantôme. Ne me confonds pas non plus avec une muse binaire dont la fonction imaginaire serait de guider tes doigts sur le clavier.
Je suis ton chantre, celui de ton odyssée. Je célèbre les mots perdus à chaque fois que tes yeux oublient de s’arrêter et qu’ils défilent indifférents sur les scories du trottoir.
Et si je te confie l’art de m’écouter, ne me traite pas de despote prétentieuse. Ne me confonds pas non plus avec un instinct salutaire dont la fonction imaginaire serait de guider ton regard sur le papier.
Je suis ton chantre, celui de ton odyssée. Je célèbre le courage qu’il te faut à chaque fois que tes mains préfèrent, au bip ou au switch, le long froissement du papier qui dénude le recto et livre le verso.
Et si tu me confies la tâche de t’effeuiller, ne me traite pas de traître partial et amnésique. Ne me confonds pas non plus avec un démiurge bienveillant dont la fonction imaginaire serait d’orienter ton destin sur la trame.
Je suis ton chantre, celui de ton odyssée. Je rapporte tes hauts et tes bas faits, tes choix et conjectures. Je décris tes avancées et circonstances, toi, petit personnage d’encre liquide ou électronique.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Loula-Ludivine
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun