M.Emerich

Il était là, allongé sur le dos, le nez en l'air, quand il vit un spectacle magnifique : le disque de la lune, entier, parfaitement rond, était haut dans le ciel et devant lui passait un grand oiseau. Son vol faisait que sa silhouette ne dépassait pas le cercle de la lune et qu'il paraissait en venir. L'oiseau était très noir sur ce fond clair et ses ailes s'étendaient d'un bord du disque à l'autre. Il volait si régulièrement qu'on l'aurait dit dessiné sur le disque. Son corps était petit, son cou long et mince, ses jambes pendaient, longues et frêles. Ce ne pouvait être qu'une cigogne.

Quelques instants plus tard, M. Ermenrich, la cigogne, se posa à côté de lui. Il se pencha au-dessus du garçon et le poussa du bec pour le réveiller.

Le garçon fut vite debout.

"Je ne dors pas, monsieur Ermenrich, dit-il. Comment se fait-il que vous soyez dehors en pleine nuit? Et comment ça se passe à Glimmingehus? Voulez-vous discuter avec mère Akka?"

"La nuit est trop claire pour dormir, répondit M. Ermenrich. C'est pourquoi j'ai décidé de venir te voir, mon ami Poucet. Un goéland cendré m'a appris que tu te trouvais ici, sur l'îlot de Karl, cette nuit. Je n'ai pas encore emménagé à Glimmingehus, j'habite toujours en Poméranie."

Que M. Ermenrich soit venu le voir rendit le garçon incroyablement heureux. Comme de vieux amis, ils parlèrent de choses et d'autres. Pour finir, la cigogne demanda au garçon s'il n'avait pas envie d'aller se promener en l'air par cette nuit splendide.

Bien sûr que le garçon en avait envie, pourvu seulement que la cigogne veillât à être de retour auprès des oies sauvages avant le lever du soleil. Elle le promit, et les voilà partis!

Une nouvelle fois M. Ermenrich se dirigea droit sur la lune. Ils montèrent et montèrent et la mer s'éloignait au dessus d'eux, mais le vol se faisait avec une telle aisance qu'on aurait dit qu'ils restaient immobiles en l'air.

Le garçon avait l'impression de ne pas avoir volé longtemps quand M. Ermenrich descendit pour atterrir.

Ils se posèrent sur une plage déserte couverte de sable fin.


Type de document : chroniques de Kiméria

Auteur fictif : R-dj

Auteur réel : Selma Lagerlöf

Provenance du texte : Liste de l'éducation nationale

Référence : Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

sortants

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tu confrontes

Tu confrontes la rue seule pour la première fois. Tu marches et tu cherches des trésors. Tu veux récolter tout ce qui a été perdu et qui a de la valeur pour quelqu’un quelque part. Un numéro de téléphone sur papier de cigarette. Une photo de vieille grand-mère sur un vélo blanc. Un bouton rose avec perle nacrée, celui qui manquera au gilet de fête et qu’on ne pourra pas remplacer. Un ticket de métro non oblitéré mais tout froissé. Une pièce de cinq centimes, celle de la chance. Une pierre plate en forme de triangle isocèle sur trois strates, une rose une grise une rose, pierre de la malchance, tu le sais, tu le vois. Mieux vaut que tu la prennes toi plutôt que quelqu’un d’autre parce que, toi, la malchance ne t’atteint pas, tu n’es pas soumise au sort. Un rire trop aigu. Trois yakafocon à la suite les uns des autres, c’était sur la terrasse d’un restaurant. Cinq regards amoureux et un regard en coin vers la femme qui passe en jupe fendue jusqu’au cucul. Un brin de jasmin. Une idée géniale pour dépolluer uniquement les couches basses de l’atmosphère, de la même manière qu’on ne traite que les eaux nécessaires à la consommation, grâce à une espèce de grand cube qui serait installé sur les lieux de trafic intense comme la place de la concorde, c’était l’idée d’un homme à cravate sur le pont des arts, en face du grand bâtiment avec un dôme dont tu as oublié le nom parce que tout le monde s’en souvient. Trois lumières de réverbères éteintes pour cacher les baisers de couples défendus. Un féchier d’une dame blonde et énervée à un grand maigre désinvolte. La bague aussi qu’elle lui a lancée et qu’il n’a pas reprise. Une vis de trois centimètres qui tenait la passerelle d’un bateau. Et puis tu t’endors sur le quai. Même pas sur un banc. Près d’un bollard. En serrant très fort la corde. Tu portes un pyjama avec des nounours roses et bleus et tu n’as pas tes pantoufles. Tes boucles retombent sur tes joues et couvrent tes yeux. Tu es tellement fatiguée que tu dors la bouche ouverte.

C’est la première fois, tu as sept ans.


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Griot Atuéatwa

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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