Il a gardé mon carnet. Un carnet que j'avais oublié. Un carnet tracé à l'encre des mers du sud. Papier brun strié. Taché de tous ces cris que j'ai poussés pour le rejoindre. Pour le garder lui - malgré lui, malgré la distance des continents, malgré le temps - en moi.
La souffrance du manque, de la rancune et du regret a cette terrible vertu de piéger la présence de ceux que j'aime dans mon espace intime. Maladie affective qui me ronge et m'épuise. Masochisme spirituel. Substance opiacée produite à même mon cœur et mon âme.
Et vingt ans après, alors que j'ai enfin réussi à l'oublier, lui, le carnet, les mers du sud. Alors que je me crois guérie, il lui suffit d'ouvrir un canal dans le cyberespace, de scanner trois pages du carnet [cuaderno], de me les envoyer là où je ne pouvais pas les attendre [elles viennent d'un temps où le cyberespace n'existait pas, où je n'avais pas encore appris à voyager entre les 3 Espaces, où j'ignorais tout de mon odyssée], pour que je sombre dans la plus terrible des agonies.
Nosotros, los de entonces, ya no somos los mismos.
Et pourtant.
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Référence : Pablo Neruda, Veinte poemas de amor, poème 20
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Loula au Capitaine :
"Où vis-tu ?"
"A la proue ."
"Es-tu l'initiée?"
"Je suis le Capitaine."
"Connais-tu les routes ?"
"Je choisis les escales."
"Es-tu le cartographe ?"
"Je suis la voyageuse."
Le Capitaine à Loula :
"Te voit-on aux rivages ?"
"Je flâne et je traverse."
"Es-tu la destinée ?"
"Je suis l'odyssée."
"Qui es-tu ?"
"Je suis la gardienne."
"Es-tu dans le livre ?"
"Ma place est en marge."
Type de document : minutes des mémoires absolues
Auteur fictif : Les Greffiers
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : 1
Textes satellites : aucun