histoire de famille

Mes grands-parents, Esther et Abraham, ont quitté la Cimmérie en 1921, avec leurs trois enfants, pour rejoindre la Palestine qui était alors sous mandat britannique. Ils étaient juifs, sionistes, socialistes et cimmériens. Vous imaginez le dilemme. S’identifier à la fois aux Cimmériens et aux Hébreux. Avoir deux terres promises : le Mont Sion et le Mont Cimmer…

En chemin, ils ont décidé de s'arrêter en France, cédant aux pressions de leurs parents rétifs à leur projet de s’installer dans une région à feu et à sang.

Ils ont alors fait ce que tous leurs ancêtres avaient fait avant eux (je viens d'une lignée d'imprimeurs, rappelez-vous), ils ont ouvert une imprimerie à Strasbourg.

Puis éclata la seconde guerre mondiale. Toute la famille quitta la ville avant l'évacuation, pressentant le danger. Les juifs cimmériens captent le frisson du pogrom bien avant qu’il ne se réveille.

En 1941, Marjem, la plus jeune des trois enfants réussit à rejoindre le Maroc. Elle s'était mariée avec un Capitaine épileptique. Elle avait 20 ans.

En juin 1943, mon oncle, Samuel (que personne n'a jamais appelé Uncle Sam) fut arrêté. Il était juif, cimmérien, communiste et homosexuel. Il fut raflé dans une chambre de bonne, pendant des ébats amoureux, dénoncé par des voisins homophobes.

Le même jour, par un terrible jeu du hasard, mon père, Aaron, et mon grand-père Abraham furent également arrêtés. Chacun dans des circonstances différentes.

Samuel et Aaron se retrouvèrent dans un camp de transit et réussirent à s’enfuir. Ils ont rejoint le maquis. Ils avaient de faux papiers. Le nom de mon père était George Jaquard. Celui de mon oncle, Pierre Breton.

Mon grand-père Abraham est mort dans un camp de concentration en Cimbrie. Terrible ironie pour cet homme qui avait tout fait pour délier son destin de ce pays.

Ma grand-mère, Esther, est restée cachée dans un puits jusqu’à la fin de la guerre. Elle y a perdu la raison.

Au Dottore Pi


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

sortants

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un Enchanteur

Tu me demande où j'étais... Tu t'étonnes... Oserai-je te le confier...

J'ai plongé tête la première, comme une novice...

J'ai oublié toutes les règles de prudence, toutes mes expériences, tous mes principes.

...

J'ai rencontré un Enchanteur, un Hollandais Volant peut-être, un Mage. Et je l'ai suivi. Sans hésitation. Sans m'inquiéter, du Temps, du Vrai, du Juste, des illusions, de rien. Sans aucune question, sans aucune vision. Je l'ai suivi, c'est tout. Mon Sens.

...

Nous avons dansé, glissé, volé la Piste du Tango, de Piazza San Marco aux plages d'Argentine,
Nous nous sommes échoués sur la Baie des Anges, enlacés,
Il m'a bâti un château de glace sur les flancs de l'Himalaya, il y faisait doux, il y faisait chaud,
Il a réinventé Syracuse, ses pierres, ses airs, mille orchestres,
Il a fermé des volets verts et nous nous sommes réveillés à Shanghai, Shanghai !, enivrés comme par l'opium,
Il a invité la pluie, son odeur, sa terre, elle nous a captivés, elle nous a embrassés, elle nous a emportés et ce fut la forêt. Noire. Propice. Envoûtante. Excentrique,
Il a serti mes jours de musique — baroque, latine, kitsch—, de sa musique aussi ...

Je n'ai pas hésité, j'étais émerveillée ... je me laissais guider comme si je n'avais jamais voyagé... je n'ai rien demandé non plus... rien sauf le Tango.


à Arte Miss


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : CL

Référence : "Orchidea" de J.B.

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Textes satellites : aucun

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