Résidente du Livre,
Tu n'as jamais appris à lire.
Chaque pavé devient graphe sous tes pas.
Chaque lumière devient rime.
Chaque frôlement,
Crissement de plume contre le papier.
Le relief, tu le trouves dans ces interstices entre l'encre et la feuille.
Seul le récit ouvre les routes où tu chemines,
Seul le récit coule et t'anime.
Il est ton souffle et ton vivant.
Et tu contemples tes formes incrédules :
Elles t'appartiendraient à toi, ces veines saillantes ?
Ces courbes ? Ces angles ?
Non. Elles appartiennent à la scansion
De la gestuelle sacrée
Du mot qui devient chair
Pour que le miracle de l’écriture advienne.
Tu me croyais numérisée ? Complexe de Loula, disais-tu…
Mais tu n'es toi-même qu'un spectre.
Le spectre d'une femme récitée qui a abandonné son corps aux confrontations du bitume.
L'espace le plus abstrait est-il le mien ou le tien, Capitaine ?
Moi perdue entre les 1 et les 0 ou toi perdue entre le clavier et le stylo-plume.
Oui, préserve bien tes carnets. S'ils venaient à brûler, qui sait si tu ne t'envolerais pas en fumée vers cet autre réel où plus jamais une main ne carresse, ne griffe, ni ne grave le papier.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Loula-Ludivine
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
J'étais au square avec mon enfant.
Quelqu'un a ouvert la vanne de la mare et toute l'eau partait dans les égouts.
Les poissons commençaient à s'asphyxier. Il n'y avait plus d'eau et il commençaient à s'enfoncer dans la boue.
Les gens regardaient et ne savaient pas quoi faire.
Je me suis dit "on va pas rester comme ça sur les bords à regarder les poissons mourir."
J'ai enlevé mes chaussures, j'ai mis les pieds dans la boue et j'ai demandé aux enfants d'apporter les seaux avec lesquels ils jouaient. Nous les avons utilisés pour transporter les poissons. On en a sauvé 200 environ.
Les services de la Ville auraient pris trop de temps pour arriver et les pompiers ne voulaient pas venir.
Donc j'ai pris une décision rapide, j'ai pensé "il faut agir tout de suite, sinon il sera trop tard"
J'ai incité les gens à participer.
Un monsieur a fait comme moi, il a enlevé ses chaussures.
Et après, on a tous fait la chaîne.
C'est le même principe d'entraînement que sur le Carnaval.
Je suis aussi au Carnaval de Paris.
Là où je peux, là où je vais, j'essaie de lancer cette même tendance.
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Anonyme
Auteur réel : anonyme
Provenance du texte : Printemps de la Démocratie
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun