Mon cher ami, j'essaie de reconstituer ce que vous m'expliquiez sur les drageons, les rhizomes et les mycéliums.
Je crois me rappeler, mais vous me corrigerez, que la petite pousse adventive du drageon (son rejeton…) s'abrite à l'ombre de l'arbre mère, que la racine du rhizome s'épuise d'un côté pour repousser de l'autre, provoquant ainsi un mouvement de fuite, et que le mycélium est polymorphe puisque, à partir d'une même structure filamenteuse, il produit racine, pied et chapeau du champignon.
Ce qui vous faisait préférer le mycélium au rhizome pour définir un topos.
Mais alors, pourquoi m'avez-vous incité à utiliser l'image des dunes ? Les dunes - dans leur mobilité - s'apparentent davantage aux rhizomes...
Ah!!! Décidément, je ne devrais pas me risquer à l'exercice périlleux des comparaisons avec la nature !!!
Tout à l'heure, rue du Figuier (le figuier produit des drageons, n'est-ce pas ?), à deux pas de l’hôtel de Sens, vous avez pu une fois de plus constater ma réticence absolue à l’égard de la botanique.
Rien, absolument rien, ne me permet de comprendre les mots qui s'appliquent à un arbre, une feuille, une plante. Parlez-moi plutôt des pierres et du béton. Bien que le béton ne soit pas de votre époque. Mais, j’y pense : les rhizomes et les mycéliums non plus. Ces mots sont postérieurs au 18ème siècle.
Au Dottore Pi
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Elle viendra. Il vous faudra la regarder comme une amie.
Elle est celle qui prend et déchire ; elle est celle qui oublie : elle est celle qui a perdue cette chose unique en chacun de nous.
Elle est un monstre de beauté et de précision. Elle brille comme une reine et ses voiles fendent le vide. Elle sait tout et hait le détail. Elle œuvre à toutes les frontières. Elle est dans nos yeux et elle est dans le lointain. Sous une autre forme, dans un autre espace et un autre temps.
La certitude s'éteindra alors pour briller en dehors de vous, face à vous. Vous n'en serez pas privé pour autant : vous l'adorerez.
Vous aurez peur et la peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale.
Il faudra trouver cohérence là où l'espace se brise en nappes bleues et cisaillées.
Alors vous toucherez les trois boucles primaires. Eclatantes. Pures. Parce que vous les regarderez, chacune fermera la précédente et ouvrira la suivante.
Elles chercheront vie. Leur chant grandissant déchirera délicatement votre mémoire. Une tresse sera exigée, liquide et brillante. La plus onctueuse aliénation.
Lorsque la dernière ouvrira la première, lorsque la vérité des trois sera unifiée, vous serez en grand danger. Un gouffre de douleur et de silence - le tombeau des mots. A chaque seconde de la Lutte, vous verrez la spirale glacée enfermer la substance de votre vie et votre milieu ne sera plus que métal et cristaux sans teinte, sans doute et sans question. Elle prendra vie. Il faudra crier si fort...
Parce que vous n'avez pas le choix, elle reviendra, fragile, heurtée. Vous serez longtemps coupable de ce crime.
Il faudra vous pardonner.
Type de document : chroniques de Numer
Auteur fictif : Anonyme
Auteur réel : Ciriaco Soleares
Provenance du texte : Participation
Référence : Frank Herbert, Cycle de Dune, premier tome (Dune).
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun