Pardonnez-moi, je vous croyais mort, vous ne l’étiez pas ... Comment aurais-je pu imaginer qu’il restait encore un poète vivant?
Quand je vis l’affiche qui annonçait votre visite à Strasbourg dans cette petite salle de conférence de la Place du Corbeau, au coin de la ruelle sombre où avait vécu ma grand-mère, je crus à une résurrection – vous n’en deveniez que plus grand encore ! Tremblante, je m’étais assise au fond de la salle, heureuse, – auguriez-vous l’immortalité des chantres ?— je tentais de vous écouter mais, je l’avoue, je n’avais d’yeux que pour vos oreilles, si grandes oreilles dont les lobes immenses touchaient la terre.
Je comprenais enfin d’où venait votre verve tellurique : le rythme de vos vers, leur sobriété, n’était pas dionysiaque, je l’avais remarqué ! Vous n’étiez traversé ni par le duende, ni par la pena negra ni par le daïmon, non ... vous récitiez la terre parce vous l’entendiez avec votre ouïe fine ! Une ouïe de lutin, de chimère, de marin qui ne prend pas la mer ... vous n’étiez donc pas un humain ! Vous étiez un être mythique, un "guillevic", et si vous n’aviez pas de prénom, c’était parce que guillevic n’était pas un patronyme mais un genre. Et dire que personne ne s’en était rendu compte !
Guillevic : farfadet du Morbihan, aux grandes oreilles, porte parole de la nature et des éléments air, terre et eau (mais pas du feu)
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : 1
Textes satellites : aucun
Loula
J’ai une idée.
P’tit Gars
D’accord, j’adore ton idée !
Loula
Je ne te l’ai pas encore dite, tu ne sais même pas ce que c’est.
P’tit Gars
C’est pas grave parce que si c’est ton idée je suis sûr que je vais l’adorer.
Voix I
Loula devient toute rose.
P’tit Gars
Tu as les joues pivoines. J’adore quand tu as les joues pivoines.
Loula
Qu’est-ce qui te prend ? Tu as attrapé une maladie qui t’oblige à dire « j’adore » à chaque phrase ou quoi ?
P’tit Gars
J’adore ton nez quand tu commences à t’énerver.
Loula
Mais je ne m’énerve pas du tout. C’est même pas vrai.
P’tit Gars
Si, si. Je peux même apercevoir ces adorables picotements qui bougent tes narines.
Voix I
P’tit Gars chatouille le nez de Loula.
Loula
Laisse mon nez tranquille.
P’tit Gars
Tu adores ça, j’en suis sûr.
Voix I
Ils se bagarrent du bout des mains.
Loula
Oh ça va, j’ai compris. Tu joues à une espèce de jeu, là, avec tous tes j’adore dans tous les sens. Mais je te préviens tu joues tout seul.
P’tit Gars
Ok, ok, j’arrête. Bon, c’est quoi ton idée ?
Loula
On devrait aller à la Carte et rajouter ce qu’on a trouvé.
P’tit Gars
Tu te souviens de tous les noms ?
Loula
Je n’oublie jamais rien.
P’tit Gars
C’est vrai.
Loula
Pas un soupir, pas un haussement de sourcil, pas un visage.