"Nous ne nous sommes jamais demandé
"Si nous avions rendez-vous sur ce quai.
"Et nous ne nous sommes jamais promis
"Une nouvelle rencontre.
"Ni à sept ans ni à dix
"Ni à trente".
"Nous sommes devenus notre mutuelle errance
"sans aucune préméditation ni tentation.
"Il apparaissait que nous voulions créer l’espace
"sous les pas de nos trajectoires et de nos croisées".
"Classiquement et irrémédiablement, nous recommencions.
"Les harmoniques nocturnes nous attiraient dans les replis les plus simples
"de la ville.
"Passion des trottoirs et des corniches,
"des pierres et du bitume.
"Parfois nous marchions pendant des mois sans nous voir,
"parfois nous ne bougions plus, sans questionner ces états
"qui nous arrachaient à notre obsession citadine".
"Ensemble nous portions regards et paroles
"sans les inscrire,
"les scarifier
"ni les scléroser.
"Ensemble nous apprenions les bruits et les effluves
"pour nous les partager":
""Je te donne le crépitement de cette brève ondée d’été sur la gouttière.
"Je te donne l'odeur des pots de géraniums mouillés.
"Lesquels ?
"Ceux de la concierge."
"Alors je prends aussi le vent qui rafraîchit l’épaule.
"Vas-y, moi je n’ai pas chaud de toutes les façons.
"Oh, non ! Tiens ! En voilà un autre, comme ça on en a un chacun !
"Han ! Là tu triches ! C’est pas du vent ! C’est toi qui souffle ...""
"Nous nous séparions quand nous avions vidé notre réserve d'images.
"Nous nous séparions quand nous avions reconstruit notre courage
"d'être sans l'autre,
""d'être sans toi.""
"Nous nous retrouvions quand nous ne l'attendions plus.
""Me cherchais-tu ?
"Je ne sais pas"".
"Nous ne parlions que de nos parcours.
"Jamais de nos stations.
"Nous nous taisions aussi.
"Beaucoup.
""Me cherchais-tu ?
"Pourquoi ?""
"Nous nous sommes vus et entendus,
"Sur le quai de Conti
"La première fois
""Tu dormais par terre
"Tu étais là"".
( Loula et p’tit Gars se souviennent : )
Type de document : minutes des mémoires absolues
Auteur fictif : Les Greffiers
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Monsieur Virilio nous apprend que les images enregistrées et projetées ne sont pas les descendantes directes de la peinture mais celles de la lumière électrique, que les objectifs et caméras en tout genre ne remplacent pas les pinceaux mais les lunettes : les technologies d’enregistrement et de projection servent à voir, à présenter et non à représenter. Elles mettent en lumière ce que les distances temporelles et spatiales cachent, abolissant ainsi l’espace à la faveur du temps et de la vitesse. Une ubiquité s’en suit qui prend pour centre notre place, notre ego, notre inertie. Ces technologies arrangent le réel au gré de nos fantasmes et de nos caprices : manipulation ou contrôle de l’environnement ? Elles substituent une réalité bi-dimensionnelle sur écran plat à notre monde en relief. La révolution spatiale de la perspective [renaissance] cède désormais le pas à la révolution temporelle de la vitesse de notre époque cinématique et numérique.
Type de document : DJ's classes : classes générales
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun