je rêvai

J'étais restée assise dans l'attitude même où ma sœur m'avait laissée. La tête appuyée sur une main, j'observais le soleil couchant en pensant à Loula et à toutes ses merveilleuses aventures, si bien que moi aussi, je me mis à rêver à sa manière et voici ce que cela donna :

D'abord, je rêvai de Loula elle même ; de nouveau mes petites mains étaient jointes sur mes genoux et mes yeux brillants et vifs regardaient dans les siens ; je pouvais entendre les intonations mêmes de sa voix, et voir ce drôle de petit mouvement de tête qu'elle avait pour rejeter en arrière les mèches de cheveux qui s'obstinaient à vouloir lui retomber sur les yeux ; et tandis que j'écoutais, ou croyais écouter, les étranges créatures nées du rêve de ma grande sœur animèrent tout à coup le lieu où je me trouvais.

L'herbe haute de la prairie que le Lapin Blanc froissait dans sa course, se mit à froufrouter à mes pieds ; la Souris, effrayée, traversa à la nage la mare voisine en soulevant sur son passage une gerbe d'eau ; je pus entendre le tintamarre produit par les tasses de thé devant lesquelles le Lièvre de Mars et ses amis partageaient leur interminable repas, et la voix aiguë de la Reine ordonnant l'exécution de ses malheureux hôtes ; de nouveau, le Bébé-Cochon éternua sur les genoux de la Duchesse, tandis que les assiettes et les plats s'écrasaient autour de lui; de nouveau, le cri du Griffon, le grincement du crayon d'ardoise du lézard, et le bruit résultant de la suffocation des Cochons d'Inde que l'on étouffait, retentirent dans les airs, mêlés aux lointains sanglots de l'infortunée Tortue "fantaisie".

Je restais assise, les yeux fermés, et je croyais presque aux pays des merveilles, bien que je savais que je n'avais qu'à les rouvrir pour que tout me ramenât à la terne réalité. L'herbe ne froufrouterait plus qu'au seul souffle du vent, l'étang ne se riderait plus que sous la gifle des roseaux ployés ; le tintement des clochettes suspendues au cou des moutons remplacerait le tintamarre des tasses, et l'appel du berger les cris aigus de la Reine, tandis qu'à l'éternuement du Bébé, au cri du griffon et aux autres bizarres bruits du pays du rêve, se substituerait, je le savais, la confuse rumeur de la basse-cour, et que le meuglement des bœufs dans le lointain remplacerait les longs sanglots de la Tortue "fantaisie".

Finalement, j'imaginai ma grande sœur devenue, dans l'avenir, une vraie femme ayant conservé, à travers les années de son âge adulte, le cœur simple et aimant qu'elle avait, étant enfant; je la vis entourée d'autres petits enfants dont elle ferait briller les yeux en leur racontant d'étranges histoires, y compris, peut-être, ce vieux rêve du pays des merveilles, et dont elle partageait les petits chagrins et les naïves joies, en se souvenant de sa propre enfance et des heureuses journées d'été.

Remix Carroll


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Fanfan

Auteur réel : Lewis Carol

Provenance du texte : Liste de l'éducation nationale

Référence : Les aventure d'Alice au pays des merveilles

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sortants

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drageons, rhizomes, mycélium

Mon cher ami, j'essaie de reconstituer ce que vous m'expliquiez sur les drageons, les rhizomes et les mycéliums.

Je crois me rappeler, mais vous me corrigerez, que la petite pousse adventive du drageon (son rejeton…) s'abrite à l'ombre de l'arbre mère, que la racine du rhizome s'épuise d'un côté pour repousser de l'autre, provoquant ainsi un mouvement de fuite, et que le mycélium est polymorphe puisque, à partir d'une même structure filamenteuse, il produit racine, pied et chapeau du champignon.

Ce qui vous faisait préférer le mycélium au rhizome pour définir un topos.

Mais alors, pourquoi m'avez-vous incité à utiliser l'image des dunes ? Les dunes - dans leur mobilité - s'apparentent davantage aux rhizomes...

Ah!!! Décidément, je ne devrais pas me risquer à l'exercice périlleux des comparaisons avec la nature !!!

Tout à l'heure, rue du Figuier (le figuier produit des drageons, n'est-ce pas ?), à deux pas de l’hôtel de Sens, vous avez pu une fois de plus constater ma réticence absolue à l’égard de la botanique.

Rien, absolument rien, ne me permet de comprendre les mots qui s'appliquent à un arbre, une feuille, une plante. Parlez-moi plutôt des pierres et du béton. Bien que le béton ne soit pas de votre époque. Mais, j’y pense : les rhizomes et les mycéliums non plus. Ces mots sont postérieurs au 18ème siècle.

Au Dottore Pi


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

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