je ne te vois pas

Capitaine L
Je ne te vois pas mais je sens que tu es là.

Loula
Sous l’impulsion de tes dix doigts

voix I
Que voit le scribe ? Que voit-elle ?

Loula
Je ne sais pas si j’ai existé en-dehors de l’encre, des pixels et des hertz. Le sais-tu toi?

Capitaine L
Je sais si peu.

voix II
Que sait le scribe ? Que sait-elle ?

Capitaine L
Ce que j’ai écrit, l'ai-je vécu ? Je ne m’en souviens pas. T’en souviens-tu, toi ?

Loula
J’ai tant de souvenirs.

voix I
Que sait le chantre, que sait-elle ?

Loula
Je me souviens de lui, je me souviens des autres, je me souviens de toi
Tu marchais dans ces quartiers que je récitais.

Capitaine L.
J’ai scruté tant de visages perdus et déchirés. Vagabonds.

voix II
Que dit le chantre, que dit-elle ?

Capitaine L.
A chaque fois je te reconnaissais. Je croyais.

Loula
Hagarde et démunie, je clamais les mots de Paris
Ton double Capitaine

voix I
Inverses et parallèles

voix II
Croisées


Type de document : minutes des mémoires absolues

Auteur fictif : Les Greffiers

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

sortants

.

cuaderno

Il a gardé mon carnet. Un carnet que j'avais oublié. Un carnet tracé à l'encre des mers du sud. Papier brun strié. Taché de tous ces cris que j'ai poussés pour le rejoindre. Pour le garder lui - malgré lui, malgré la distance des continents, malgré le temps - en moi.

La souffrance du manque, de la rancune et du regret a cette terrible vertu de piéger la présence de ceux que j'aime dans mon espace intime. Maladie affective qui me ronge et m'épuise. Masochisme spirituel. Substance opiacée produite à même mon cœur et mon âme.

Et vingt ans après, alors que j'ai enfin réussi à l'oublier, lui, le carnet, les mers du sud. Alors que je me crois guérie, il lui suffit d'ouvrir un canal dans le cyberespace, de scanner trois pages du carnet [cuaderno], de me les envoyer là où je ne pouvais pas les attendre [elles viennent d'un temps où le cyberespace n'existait pas, où je n'avais pas encore appris à voyager entre les 3 Espaces, où j'ignorais tout de mon odyssée], pour que je sombre dans la plus terrible des agonies.

Nosotros, los de entonces, ya no somos los mismos.
Et pourtant.


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Référence : Pablo Neruda, Veinte poemas de amor, poème 20

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

.

Modes lecture
Glossaire
Historique
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.