Vous souvenez-vous du feuilleton "Ma sorcière bien-aimée" ?
La voisine de Samantha-la-sorcière-au-nez-qui-se-trémousse surprend toujours des événements invraisemblables mais quand elle appelle son mari, c’est trop tard : il ne voit rien et il la prend pour une folle.
Et bien, pour moi, c’est la même chose : je n’arrive pas à voir mon voisin (un véritable vis-à-vis : comme moi, il n’a pas de rideaux, il vit au premier étage et il a la trentaine).
Tout le monde - ma fille, ma clique, ma famille - tout le monde le voit mais pas moi.
Dès qu’on m’appelle, il a tourné le dos ou a quitté la pièce !
Pourtant, je vous assure, j’essaie vraiment, j’essaie dur : je m’assieds à table devant la fenêtre, je monte le gué, je passe en coup de vent pour tromper le sort, mais rien à faire !
En revanche, j’ai pu examiner en détail ses amis qui minaudent et qui pavoisent, homme au torse nu, femme à chignon, jeunes à pétards ...
Est-il gay, est-il straight ou est-il bi ?
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Capitaine L
Quand tu t’es dissoute, où es-tu allée ?
Loula
Dans le pays où toutes les phrases prononcées finissent leurs jours. Gelées.
Capitaine L
Je connais ce pays.
Loula
Je cherchais les mots d’amour de P’tit Gars. Ne les ai pas trouvés.
Capitaine L
Tout ne se dit pas.
Loula
Les miens en revanche, ils étaient là. Ils pendaient comme des stalactites. Des larmes effilées.
voix II
Silence
Loula
Et puis j’ai cherché les autres paroles, celles qu’il lui disait à elle. La diaphane.
Capitaine L
Bien sûr ...
Loula
Elles montaient. Réelles et fortes. Stalagmites. Je les ai caressées, effleurées. J’aurais pu si facilement les briser. "Ne les brise pas" je me disais comme un vent glacé, "ne les brise pas"
Capitaine L
Je croyais que tu ne savais pas lire ...
Loula
Une sentence de glace ne se lit pas. Elle n’est pas figée. Elle est en attente, elle est nue.
Capitaine L
Comme toi.
Loula
Serais-je moi aussi une phrase, une simple et pauvre petite phrase, prononcée et gelée ?
voix I
Silence
Capitaine L.
M’as-tu vue, moi, dans ces terres si froides ?
Loula
Sculpteure de l’écrit. Oui. Statue.
Type de document : minutes des mémoires absolues
Auteur fictif : Les Greffiers
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun