Prendre un café chez Élie, sur la terrasse, du mauvais côté de la place du Marché Saint-Honoré, cause circulation de voitures et vue sur le commissariat mais du bon côté cause exposition Nord-Est donc soleil le matin. Prendre un café chez Élie, tu trouveras pas moins cher dans le quartier, 5 F au comptoir, 9 F avec croissant, 20 F p’tit dej complet. Même pas le prix d’une eau chez Colette où pour pousser la porte déjà tu saignes. Prendre un café chez Élie parce que c’est chez lui. Les mégots plein par terre, les allumettes, les papiers de chocolat, le zinc en bois. Tour de manivelle, comme les bacs à bonbons des supermarchés, tu sais à l’entrée, après les caisses ou avant, ça dépend si tu mets ta pièce de 1 franc en entrant ou en sortant. (C’est dingue, c’est impérissable ce truc-là, ça traverse les générations ! Et sans changer ! La couleur, la matière, le design. Les bornes à bonbons seraient-elles les seuls vrais totems des hauts lieux sacrés de la consommation super/hyper/fun marchés ?). Un tintamarre de grains de café, océan mélangé – 14 crus différents – et des bocaux : des bocaux toscane, nuit d’été, amour absolu à Goa, des bocaux madeleines, des bocaux cacahuètes, et des paniers, des paniers brioches, pains aux raisins et mini-croissants, en sus quelques bises puissantes en plein sur le tympan. Élie ! j’ai promis que si le mercure montait à 28 ° celsius (pour avoir la correspondance en Farenheit utilise la formule suivante : tc = (tf - 32) : 1,8 ), je bronzerai sur la terrasse en bikini. En face du commissariat. On a le droit tu crois ? Élie dit que oui [ dikwi ]. Tiens, c’est drôle ça comme nom : Élie DIKWI. Prendre un café chez Élie DIKWI.
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Pas âme qui vive à cette heure grise où le fleuve se tamise d'une lumière rasante et où souffle la brise nocturne qui lèvera le mascaret.
Ombre parmi les ombres, il s'évanouit le long des quais désertés et se pénètre des puissants remugles remontés des profondeurs où se mêlent, indéfinissable jus, l'odeur de la vase stagnante et le parfum emmiellant des acacias .
Impossible de se situer dans ce paysage de lignes brouillées aux confins de la ville.
Il s'ébroue avec vigueur, comme si ce geste pouvait lui restituer sa part de réalité .
Il scrute au loin le front de fleuve qui se dresse de l'autre côté de la rive. A perte de vue, un mur d'immeubles majestueux, pierre blanche et encorbellements en ferronnerie.
D'où il est il ne peut pas voir le détail des ciselures et des sculptures mais il a brusquement la vision fulgurante et définitive d'un décor étrangement familier.
Il le reconnaît et soupire : enfin !
Type de document : chants du chœur
Auteur fictif : Le Troubadour
Auteur réel : ERL
Provenance du texte : Participation
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun