A l'Ojem Café des Halles, c'est la foule des grands soirs. Les serveurs ont du mal à se frayer un chemin entre les tables minuscules où s'agglutinent au coude à coude des travailleurs hagards qui n'ont pas le courage de rentrer chez eux, avant d'effectuer les heures supplémentaires nocturnes obligatoires qu'ils doivent à leur patron.
Les verres de bière jettent quelques éclats ambrés sur leurs visages. C'est la pénombre dans la brasserie. A part quelques candélabres parcimonieux.
Je commande une salade de tomates fantaisie. Et une tranche de vache normandopéruvienne accompagnée de soja amérindien. J'ai lu, dans le dernier numéro électronique de la revue « Sublimations gustatives », que le soja de cette région du monde provenait des meilleurs hybrides. Et s'il y a tant de monde ici, ce n'est pas sans raison ! On y trouve les meilleurs ingrédients et les meilleurs assembleurs culinaires. Et pour un prix dérisoire.
Sur ma tranche de pain reconstitué, les tomates à la peau bleutée palpitent faiblement. La viande me semble divine. Avant de me jeter sur ces portions déjà prédécoupées, je n'oublie pas de prendre la comprimé digestofacilitateur aimablement fourni par le restaurant. On ne sait jamais !
Plus que deux minutes : je dois faire vite, je sens déjà dans mon cou le souffle court et chaud du prochain client pour la table N°124 654.
Type de document : chroniques de Kiméria
Auteur fictif : Cassiopée des Halles
Auteur réel : katecol
Provenance du texte : Cité des Sciences
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
"Pour affonter la navigation, il faut des intérêts puissants. Or les véritables intérêts puissants sont les intérêts chimériques", dites-vous, Monsieur Bachelard. Comme je vous comprends !
Capitaine, j’ai tant navigué et celle-ci n’est pas la moindre de mes odyssées, il m’a fallu bien plus que le courage ou le besoin pour l’affronter ! Il m’a fallu tous mes rêves, c’est à dire tout le fragile et le puissant de mon essentiel, de mon parcours, de mon vécu et de mon à-vivre.
Et c’est pourquoi rien ne m’arrêtera car, dans cette odyssée, je traverse ou je sombre …
A Gaston Bachelard
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun