J’avance. Je ne peux pas reculer. Il n’y a que l’avant, jamais d’arrière. Impossible de me retourner. Le concept même de retour ou de passé est inaccessible. Ceux d’ici l’ignorent. Comment pourraient-ils concevoir l’inconcevable.
Peut-on seulement parler de temps dans cet espace absolument linéaire où l’on est insondablement poussé en avant ?
L’arrêt et le mouvement sont les deux positions.
L’ici et l’ailleurs.
Les lignes avancent parallèles sans jamais se toucher.
Parfois une mutation, une rupture, un saut, une fissure, un effondrement, une aspiration. Pour se retrouver à côté, ni au-dessus ni en dessous, mais toujours plus loin.
Le cheminement se fait côte-à-côte sans se heurter, puis l’on se perd.
Seul le point de fuite, devant. Pas de tectonique. Pas d’axonométrie.
Des simultanéités qui s’ignorent.
Lieu de l’oubli et de l’ignorance. De la solitude et de l’espoir : « plus loin peut-être, je me souviendrai. »
Lieu de promesse : « plus loin peut-être, je serai ici et alors naîtra brièvement l’idée du passé. »
Type de document : journaux de bord
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : CL
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Quand j'achète un carnet, j'ignore quel sera son usage.
Des mois, des années plus tard, je le retrouve, le sors de son cellophane ou de son empaquetage en papier de soie, en papier kraft, en papier blanc. Je me souviens alors de Vigevano, de Verone, de Sydney ou de Valparaiso et je pense à celle que j'étais, à celle que je suis, à mes visions d'alors, à mes conquêtes depuis.
Caché dans un tiroir secret, j'ai gardé ce carnet de lin noir que vous m'avez cousu. Dieu seul sait quand je l'écrirai. Et vous n’ignorez pas combien il m'est rare de parler de Dieu.
Au Dottore Pi
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun