Robe à volants.
Mauve.
La taille est gracieuse, la silhouette se profile en arabesques,
des arabesques ébauchées en un autre temps,
un temps qui n'a jamais existé.
Un temps coloré -rose, bleu, mûre, caramel et chocolat-,
aux odeurs de beurre fondu et de génoise bombée.
Elle virevolte entre le robot ménager et le four,
douille en main et spatule à la ceinture.
Elle dresse le glaçage et chante des airs de music hall.
Sa voix de soprane navigue,
elle plonge dans les graves du swing,
elle se dédouble, s'élance et se sublime.
Cette nuit,
elle n'en avait pas dormi :
l'aventure alchimique l'attendait...
Elle était prête à tout,
— à marcher dans la ville enneigée pour dénicher de la crème de tartre et du bicarbonate, à tourner, œuvrer, battre, monter et bain-mariner, à s'isoler loin des messageries instantanées —,
elle était prête à mobiliser tout ce qu'elle était
mais elle devait finir cette journée avec
une fournée de cupcakes bigarrés
digne de Terry Gilliams, de Wes Craven,
de Dave McKean, de Caro et de Jeunet.
Quelque chose en dépendait, elle le sentait, elle le sent,
Quelque chose de vrai
Moi, je suis au spectacle.
Dermiquement et attentivement.
Je hume, j'écoute,
je dérobe une scène,
j'exulte.
Dans la pâtissière, je vois une reine,
une orfèvre du rêve,
une artiste,
une peter pan du 12e,
une révolutionnaire du réel,
une avant-gardiste du multiplexage enchanté,
une tisseuse des espaces entremêlés...
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : CL
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
( Pierre ‘dit P’tit Gars’ fait un rêve : )
"Ecoute ! – Ecoute ! – C'est moi, c'est Loula qui frôle de ses paroles les crevasses sonores de tes souvenirs striés par les mornes aveux de la lune ; et voici, en robe de moire, notre magnétique attirance qui contemple à sa patience le filet stellaire de la nuit et Paris endormi."
"Chaque mot est un ondin qui voyage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers notre palais, et notre palais est bâti numérique, au fond de la ville, dans le réseau de bitume, de rimes et de briques.
"Ecoute ! – Ecoute ! – Mon appel bat la fièvre arythmique de la foule, et mon désir emporte de ses bras ignés les frêles sursauts insolents des sourires et regards interceptés aux arrêts du métro."
Son chant murmuré, elle me supplie de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Aède, et de revenir avec elle au palais pour être le roi de Paris.
Et je veux lui répondre que j’aime une mortelle mais j’ai peur que, blessée et poussière, elle ne pleure quelques cendres, pousse un éclat abyssal et s’évanouisse en ondées qui ruissèleront – électriques – le long de mes remords acérés.
Type de document : chroniques de Kiméria
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Référence : Ondine, Aloysus Bertrand
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun