Petit aperçu amoureux de l’année 2001
Janvier/février/mars : petit copain numéro un – il est paranoïaque mais je ne m’en rends pas compte tout de suite, je le trouve difficile à vivre et je deviens de plus en plus nerveuse. Quand il me téléphone 100 fois par jour pour me menacer de me tuer et finit par casser ma porte d’entrée en hurlant "Où sont mes ciseaux, rends-moi mes ciseaux, je veux mes ciseaux", je finis par capter ;
Mai/juin/juillet/aout/septembre : petit copain numéro deux – je ne lui demande rien. Rien de rien de rien. Il promet tout. Tout et tout et tout. Il est souvent absent. Officiellement, à cause de son travail. En réalité, il est maqué depuis une bonne dizaine d’années. Je suis sa maîtresse et je l’apprends par hasard ;
Novembre/décembre : un street shaman, drôle, sexy, mais complètement irrégulier. Me plante lapin sur lapin et ne me prévient jamais. Mais qu’est-ce que je dois faire ? Ce n’est pas dans le "streetforce manuel du DJ" que j’vais trouver une réponse ! Encore moins chez les copines : elles ont plus de principes qu’il n’y a de lois dans le code officiel du XIU ;
En filigrane : liaison amusante, sans régularité ni conséquence. Mais l’amant en question s’avère être un chasseur de prime du XIU. Je le laisse filer avant de me faire démasquer et de finir reconditionnée.
Et avant 2001?
Une drag queen, un escroc, un espion, un gigolo, un assassin recherché par la police, un minet qui rêve d'une Ophélie Winter chinoise, un guru crudivore, un radin, un dominateur sm, un mythomane, quelques traumatisés du "maman m'a fait mal" et d’autres du "papa était méchant", un pervers fétichiste, un voleur en fuite, deux ou trois machos qui voulaient tout diriger, quelques mondains très ennuyeux, une paire de partouzeurs démasqués et remerciés et une autre d’hypocondriaques anxieux, des beaux gosses sans cervelle, des cervelles sans libido, un narcisse qui ne parlait que de lui, une flopée de vampires et une autre de parasites.
Et depuis 2001?
Un grand voyageur des 3 Espaces que je rencontre de temps à autres au détour d'un vortex…
Vie de DJ. Femme. Capitaine.
J'en suis lasse, Arte Miss, lasse.
Je vais raccrocher.
Comment fais-tu, toi ?
22/10/2002
à Arte Miss
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Objectivement, ils n’ont pas attendu très longtemps avant de se parler. Ils se sont dévisagés sans aucune gêne - inspection en bonne et due forme - et ont lancé l’attaque avec entrain :
"Tu sens mauvais de la bouche et tu ronfles.
Tu ferais mieux de te coiffer et de te laver avant de m’embêter."
Ils se sont tiré la langue et ont levé les sourcils vers le ciel, en secouant la tête et en tordant leur bouche dans un rictus très antipathique. C’était exactement la même mimique et ils ne l’avaient même pas fait exprès. Ca les a beaucoup amusés et ils ont ri au moins pendant trois minutes.
Leur premier fou rire.
Dans la lancée, ils ont joué à qui exécuterait le rire le plus effrayant, le plus stupide, le plus désespérément désespéré. Bien sûr, au moment fatidique des résultats, ils n’arrivaient jamais à se mettre d’accord ! Alors, ils trouvaient un compromis en disant qu’ils avaient gagné tous les deux : "ex-æquo !". L’expression les amusait vraiment beaucoup, ils la répétaient encore et encore. Dès qu’ils faiblissaient, ils s’exclamaient "ex-æquo ! ex-æquo ! "et le concours repartait de plus belle. Ils ont fini par s’arrêter au bout d’1 heure 33 minutes et 40 défis parce qu’ils avaient vraiment trop mal au ventre.
"Pas le ventre ! les ab-do-mi-naux ."
"ab-do-mi-naux ?ab-dos-mi-na-bles !"
Leur deuxième fou rire.
Après le concours, quand le silence s’installa enfin, ils auraient dû repartir chacun de leur côté. Mais non. Ils se levèrent de concert et commencèrent à marcher. Ce n’était pas une décision, c’était un réflexe, un instinct, une espèce de notion du bien et du mal, un abandon à l’imprévu nécessaire. Ils prirent les escaliers, elle pieds nus, lui en sandales violettes. Ils saluèrent les éboueurs sur le quai. Ils traversèrent le pont neuf et ne s’arrêtèrent pas devant la Samaritaine. Ils flânèrent le long des animaleries, dandolinant, se dandinant, trottinant, hoquetant. Ils s’entrechoquèrent accidentellement et "boum ! boum !" tombèrent par terre.
Leur troisième fou rire.
Ils bifurquèrent sur la rue de Rivoli et avancèrent vers le trou des Halles. Les vêtements sales, le visage poussiéreux et les jambes noires, ils avaient l’air de sortir d’un roman de Zola . Curieusement, on ne les remarquait pas. Ils avaient le don de passer inaperçus même quand ils faisaient du bruit. Peut-être ensemble formaient-ils un univers si complet qu’ils disparaissaient aux yeux du monde. Etonnant, invraisemblable, mais existe-t-il une autre solution ? Ils auraient été si jolis à voir pourtant, si pittoresques. Un anachronisme littéraire, une effronterie temporelle, un hasard. Sur un monticule de terre, ils essayèrent d’attraper un chien errant.
Leur quatrième fou rire.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Griot Farceur
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun