Les Kimériens sont-ils uniquement le produit de l'imagination et du désir des Eréliens ? 
Les Eréliens sont-ils les dieux de Kiméria ?
Cette idée a égaré plus d'un explorateur. L'Ordre des Joueurs a d'ailleurs traité Kiméria comme sa chose, son invention, sa propriété.
Mais le système est plus complexe.
Les Voyageurs façonnent une matière onirique : ils ne la créent pas. Ils sont comme les sculpteurs qui utilisent de la pierre ou de la glaise. Leurs personnages sont comme des automates, des parties du décor, des "chimères". Mais pas toujours. Il arrive qu'un personnage soit investi par une conscience et qu'il devienne pleinement vivant. Le procédé est décrit dans Pinocchio. 
Rappelons également que certains domaines et continents de Kiméria sont si anciens que personne ne peut dire s’ils ont été inventés par des voyageurs ou s’ils ont précédé le Voyage.
Les Cimmériens défendent même la thèse selon laquelle le monde matériel, Erel, aurait été bâti par des Kimériens et que tous les humains seraient les descendants de ces êtres de l’imagination qui auraient migré sur Terre pour vivre une vie sensorielle totale. Nous serions tous le rêve de ceux que nous croyons rêver.
Type de document : DJ's classes : l'art du voyage
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Un jour de printemps, une petite fille perce-neige saisit un crayon. Perce-neige parce que, née du printemps sec et mat des strictes terres de l’est, elle avait pris l'habitude de briser les givres pour que jaillisse sa vitalité.
Quelques jours plus tôt — peut-être le jour de son anniversaire — elle avait trouvé un carnet dans un caniveau. N°7. L’écriture en était cryptée, comment l’aurait-elle déchiffrée ? Elle caressa le cuir brun. Le huma et, puisqu’elle ne pouvait pas le lire, la petite perce-neige saisit un crayon sans plume ni bille, un crayon avec mine, et recouvrit les feuillets du carnet de ses propres idées - palimpseste procedé. 
Ce n'était pas son premier texte. Déjà quand elle ne savait pas écrire, elle écrivait. Dictant à sa fratrie, ses amis, sa famille, les mots qui la bousculaient, la hantaient, la portaient.
Le carnet n°7, elle l'a gardé. Dans une boîte, une boîte recyclée, convertie des chaussures aux secrets -remix procédé.
D’âge en âge, elle a empilé les cartons et dedans : les cahiers, les secrets, les dessins, les courriers, les photos, les télégrammes et les programmes, les papiers de cigarette gribouillés et les papiers de chewing-gum coloriés, les paquets de chips au vinaigre (vides) et les flacons d’après-rasage (vides aussi), les mots d’amour (pour renoncer) et les lettres d’adieu (pour recommencer). Le n°7, le carnet de poche relié en cuir brun, elle l’a oublié dans la deuxième boîte. Tout en bas de la pile. Dans un coin du grenier.
Puis, forcément, elle a grandi, elle a migré, d’Equateur en Australie, du Chili en Californie, d’Italie en Cimmérie. Elle a vogué. De quartiers en forêts, de volcans en bidonvilles, de sources chaudes en terres d’argiles. Elle a rencontré des p’tits gars, des grands bouddhas et même un roi. Elle a hiverné, cinq ou six années. Dans une transperçante solitude. Funambule du néant.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Loula-Ludivine
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun